La France, championne de la diversité & inclusion ? Comparaison avec l’Europe, les USA et l’Asie
La diversité et l’inclusion (D&I) sont devenues des priorités stratégiques pour les organisations dans le monde entier. Elles touchent autant à l’égalité femmes-hommes qu’à l’emploi des personnes handicapées, aux droits LGBTQIA+ ou encore à la lutte contre les discriminations liées à l’origine.
Mais la question demeure : la France peut-elle se considérer comme championne de la D&I ?
Un cadre juridique solide… mais une mise en œuvre inégale
La France se distingue par un arsenal législatif parmi les plus complets.
- Depuis 1987, les entreprises d’au moins 20 salarié·es doivent employer 6 % de personnes handicapées – une obligation assortie de pénalités financières.
- La loi Copé-Zimmermann (2011) a imposé 40 % de femmes dans les conseils d’administration, un objectif atteint qui place la France en tête mondiale (46 % de femmes administratrices en 2022, contre 32 % aux États-Unis et seulement 15 % au Japon).
- L’Index égalité professionnelle lancé en 2019 oblige les entreprises à mesurer et publier leurs écarts de rémunération et de promotion.
Pour autant, les résultats ne suivent pas toujours. En 2023, le taux d’emploi direct des travailleurs handicapés plafonnait à 3,6 %, loin des 6 % attendus. Et malgré les quotas, seules 38 % des femmes occupent encore des postes de direction en France.
L’Europe : entre quotas et culture égalitaire
L’Union européenne pousse à l’harmonisation (directive sur la transparence salariale, stratégie handicap 2021–2030), mais chaque pays conserve sa propre approche.
- Allemagne : quota handicap de 5 % et quota de 30 % de femmes dans les conseils de surveillance, résultats en nette progression depuis 2015.
- Italie et Espagne : quotas de genre et handicap, avec des plans d’égalité obligatoires en Espagne pour les entreprises de plus de 50 salarié·es.
- Pays nordiques : peu de quotas, mais des politiques familiales puissantes (congés parentaux longs, services de garde accessibles) qui favorisent l’égalité réelle.
- Royaume-Uni : pas de quotas, mais une arme redoutable : la transparence. Les entreprises de plus de 250 salarié·es doivent publier leurs écarts de salaires, et cette pression publique a poussé les chiffres à s’améliorer.
La France, pionnière sur les quotas, garde donc une longueur d’avance en Europe, mais pourrait s’inspirer de la transparence britannique et de la culture égalitaire nordique.
États-Unis : volontarisme et polarisation
Aux États-Unis, les quotas sont interdits. Mais la pression des investisseurs, des salarié·es et de la société civile pousse les entreprises à agir. La plupart publient leurs données de diversité (rapports EEO-1), et beaucoup lient désormais la rémunération des dirigeants à l’atteinte d’objectifs D&I.
Les chiffres restent contrastés : en 2023, seules 53 femmes dirigeaient des entreprises du Fortune 500. Côté inclusion raciale, les PDG afro-américains se comptent sur les doigts d’une main. Pourtant, une étude McKinsey montre que les entreprises les plus diverses ont 39 % plus de chances d’être rentables.
Autre particularité américaine : le backlash. Dans plusieurs États conservateurs, les politiques de diversité sont critiquées comme étant « woke » ou « discriminatoires à rebours ». La Cour suprême a même annulé en 2023 la discrimination positive dans les universités. Un contexte qui rend la D&I parfois clivante, contrairement à l’Europe où l’adhésion sociale reste majoritaire.
Japon et Chine : un chemin encore long
- Japon : le pays a renforcé ses obligations (quota de 2,3 % de travailleurs handicapés, objectifs pour les femmes managers), mais les résultats sont modestes : seulement 15 % de femmes dirigeantes. Le mariage pour tous n’y est pas reconnu et les droits LGBTQIA+ restent très limités.
- Chine : un quota handicap existe (1,5 %), mais seules 10 % des 85 millions de personnes handicapées occupent un emploi. Les droits LGBTQIA+ sont inexistants et l’égalité femmes-hommes stagne : à peine 10 % de femmes siègent dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
Ces pays avancent sous la contrainte démographique (vieillissement, pénurie de main-d’œuvre), plus que par choix sociétal.
Des champions ailleurs dans le monde
- Canada : pionnier du multiculturalisme et de l’« équité en emploi », il oblige les entreprises fédérales à analyser la représentation de quatre groupes désignés (femmes, minorités visibles, autochtones, personnes handicapées). Transparence et plans correctifs sont la règle.
- Australie : chaque année, les entreprises publient leurs données D&I via la Workplace Gender Equality Agency. Depuis 2023, les écarts de salaires moyens par sexe doivent être rendus publics.
- Afrique du Sud : la politique de Black Economic Empowerment oblige les entreprises à prouver leur contribution à l’équité raciale pour accéder aux marchés publics.
Et la France dans tout ça ?
En 2025, la France peut revendiquer une place de leader européen sur la gouvernance au féminin et un cadre solide sur le handicap et la lutte contre les discriminations. Mais elle reste perfectible sur trois fronts :
- Accessibilité universelle encore incomplète (bâti, numérique, transports).
- Mesure de la diversité ethno-culturelle, freinée par l’interdiction des statistiques ethniques.
- Diffusion dans les PME : si les grands groupes sont très actifs, beaucoup de TPE-PME peinent à aller au-delà de la conformité légale.
En résumé
La France est bien un champion législatif de la diversité & inclusion. Mais pour devenir un champion « de terrain », elle doit aller plus loin : transformer la loi en pratiques vécues, élargir son spectre de mesure et inspirer une culture inclusive qui dépasse la seule contrainte réglementaire.