Politique D&I : comment mobiliser sa direction
Pourquoi la direction doit être en première ligne ?
La Diversité & Inclusion (D&I) est parfois présentée comme un sujet RH ou RSE. Pourtant, les recherches montrent qu’il s’agit aussi d’un enjeu stratégique qui concerne directement la direction générale.
Les chiffres sont parlants :
- Les entreprises inclusives enregistrent +30 % de chiffre d’affaires par employé (Deloitte).
- 80 % des dirigeants considèrent que l’inclusion est un avantage compétitif (Deloitte).
- Les sociétés dont l’équipe de direction est la plus diversifiée ont 36 % de chances supplémentaires d’afficher une rentabilité supérieure (McKinsey).
Autrement dit, la diversité n’est pas seulement un sujet de conformité ou de réputation. C’est un levier de performance, d’innovation et d’attractivité.
Mais une politique D&I ne se déploie pas seule. Sans impulsion venue du sommet, les initiatives restent dispersées. Avec un soutien affirmé de la direction, elles deviennent un projet collectif capable de transformer la culture de l’organisation.
Quand les dirigeants montrent l’exemple
Certaines entreprises et institutions ont réussi à avancer rapidement grâce à l’implication personnelle de leurs dirigeants. Voici quelques cas concrets, accessibles et inspirants.
→ L’Oréal – Mesurer la diversité pour progresser
L’Oréal est souvent cité comme pionnier. Dès 2005, le groupe a créé une Direction mondiale de la diversité. L’ambition : aller au-delà des déclarations d’intention et piloter la diversité comme n’importe quel enjeu stratégique.
Cette décision a permis de mettre en place un suivi précis : indicateurs annuels, objectifs chiffrés, reporting transparent. Entre 2007 et 2021, la proportion de femmes aux postes stratégiques est passée de 17 % à 42 %.
L’entreprise figure régulièrement parmi les meilleures du classement Refinitiv Diversity & Inclusion Index. Pour Jean-Claude Le Grand, DRH groupe et grand artisan de cette politique :
« Si L’Oréal peut le faire, c’est possible partout, il faut simplement s’engager. »
Ce cas montre qu’une direction mobilisée peut installer durablement des pratiques inclusives, au même titre que d’autres priorités business.
→ Sodexo – Une stratégie pilotée depuis le sommet
Chez Sodexo, l’impulsion est venue du PDG Michel Landel. Dès sa nomination en 2005, il a fait de la diversité un axe stratégique de son mandat.
Il a fixé un objectif clair : atteindre 40 % de femmes parmi les cadres dirigeants. Pour s’assurer que cela devienne réalité, il a choisi un levier puissant : lier 10 % du bonus des 300 top managers à cet objectif.
Cette politique volontariste a conduit à des actions concrètes :
- création d’un conseil interne sur la mixité (réseau SWIFt),
- mise en place de programmes de mentorat,
- partenariats externes pour recruter plus diversifié.
En parallèle, Sodexo a voulu prouver l’impact économique de la mixité. En 2014, le groupe a mené une étude interne sur 50 000 managers dans 90 entités. Résultat : les équipes dirigeantes mixtes (40–60 % de chaque sexe) surpassaient les autres sur trois dimensions : marge, croissance et engagement des salariés.
Comme le souligne Rohini Anand, Chief Diversity Officer de l’époque :
« Cela nous a permis de démontrer que la mixité était favorable au business. »
L’exemple Sodexo illustre la puissance du message envoyé par la direction : quand le PDG s’implique, les managers suivent.
→ BNP Paribas – L’engagement visible de la direction
Dans le secteur bancaire, BNP Paribas se démarque par l’engagement personnel de son Directeur général, Jean-Laurent Bonnafé.
En 2015, il est le premier dirigeant d’une banque française à signer la Charte LGBT+ de L’Autre Cercle. Il a également porté la campagne #JamaisSansElles, s’engageant à ne pas participer à des panels sans présence féminine. Aujourd’hui, près de 700 managers internes (dont 70 % d’hommes) soutiennent ce mouvement.
Sous son impulsion, la banque a adopté une approche globale de la D&I, couvrant :
- égalité femmes-hommes,
- inclusion des personnes en situation de handicap,
- diversité des origines et générations,
- lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle.
Le comité exécutif reflète cet engagement : en 2025, il compte 42 % de femmes.
Le message est clair : une direction qui s’engage publiquement crédibilise et accélère les actions internes.
→ Secteur public – L’État comme employeur exemplaire
La mobilisation de la direction n’est pas réservée aux entreprises privées. Dans la fonction publique aussi, l’impulsion venue d’en haut joue un rôle clé.
En 2021, le gouvernement a lancé un Index Diversité & Inclusion dans plusieurs organisations pilotes (publiques et privées) . Objectif : mesurer la perception d’inclusion des agents et en faire un indicateur suivi au même titre que la performance.
La ministre de la Transformation publique de l’époque, Amélie de Montchalin, déclarait :
« L’État se doit d’être un employeur exemplaire… Cette politique est désormais au cœur des carrières de la haute fonction publique. »
Concrètement, cela s’est traduit par des programmes comme les Prépas Talents, pour aider des étudiants de milieux modestes à intégrer la fonction publique .
Ce type d’engagement envoie un signal fort aux administrations, collectivités et hôpitaux : la diversité doit être gérée avec le même sérieux que tout autre enjeu de pilotage.
→ International – L’inclusion comme moteur d’innovation
Au niveau mondial, certains dirigeants sont devenus des symboles de leadership inclusif.
Chez Microsoft, Satya Nadella a profondément transformé la culture de l’entreprise depuis 2014. Inspiré par son histoire personnelle, il a placé l’empathie et l’inclusion au centre de son management.
Cette orientation a permis de lancer des innovations marquantes :
- outils numériques accessibles (comme le mode “flou d’arrière-plan” dans Teams, proposé par une ingénieure sourde),
- Xbox Adaptive Controller pour les joueurs à mobilité réduite,
- programmes de recrutement dédiés aux personnes autistes.
Microsoft est aujourd’hui reconnu comme un leader de « l’innovation inclusive ». Preuve que quand la direction porte sincèrement le sujet, les équipes osent proposer et innover.
Comment convaincre sa propre direction ?
Les exemples sont inspirants. Mais comment, concrètement, embarquer vos dirigeants dans la démarche ? Voici cinq leviers à activer.
1. Parler performance
Présentez un cas business clair. Partagez des chiffres comme ceux de McKinsey ou Deloitte. Expliquez que la D&I n’est pas une contrainte mais un levier de :
- performance économique,
- innovation,
- attractivité des talents.
Comment :
- Utiliser des chiffres reconnus (McKinsey, Deloitte) qui prouvent le lien entre diversité et performance.
- Préparer un mini business case interne : coûts liés au turnover ou aux absences, gains potentiels en productivité, attractivité employeur.
- Illustrer par des cas clients ou concurrents : “Sodexo a montré que ses équipes mixtes surperformaient en marge et en engagement”.
👉 L’idée est de parler le langage de la direction : rentabilité, innovation, marque employeur, compétitivité.
2. Obtenir un engagement visible
Encouragez vos dirigeants à montrer l’exemple.
Un engagement visible donne de la crédibilité et prouve que le sujet est porté au sommet. Cela peut prendre la forme de signatures de chartes, de prises de parole ou de participation à des événements.
Comment :
- Proposer la signature de chartes (Charte de la Diversité, Charte LGBT+ de L’Autre Cercle).
- Inviter les dirigeants à participer à des événements symboliques (DuoDay, SEEPH, Journée internationale des droits des femmes).
- Les inciter à prendre la parole en interne ou en externe pour affirmer leur soutien.
- S’inspirer de BNP Paribas : son DG Jean-Laurent Bonnafé a signé la Charte LGBT+ et soutenu publiquement #JamaisSansElles
Ces gestes envoient un signal fort et crédibilisent les actions.
3. Fixer des objectifs mesurables
Faites de la D&I un véritable objectif stratégique. Des indicateurs clairs permettent de suivre les progrès, d’ajuster la trajectoire et de rendre des comptes à l’organisation.
Comment :
- Définir quelques indicateurs simples (part de femmes dans le management, taux d’emploi de travailleurs handicapés, indice interne d’inclusion).
- Les intégrer dans les tableaux de bord utilisés par la direction, au même titre que les indicateurs RH ou financiers.
- Fixer des échéances précises et rendre les résultats publics.
- Suivre l’exemple de Sodexo : une partie du bonus des top managers a été indexée sur l’atteinte d’objectifs de mixité
4. Structurer la gouvernance
Organisez une gouvernance claire pour donner de la légitimité et de la continuité à la politique D&I. Une structure dédiée rend l’action plus cohérente et visible.
Comment :
- Nommer un·e responsable Diversité & Inclusion, rattaché·e à la DRH ou directement à la direction générale.
- Créer un comité de pilotage avec des représentants de la direction et des métiers.
- Désigner des sponsors au sein du COMEX, chacun portant un axe spécifique (handicap, égalité F/H, diversité culturelle).
- Donner une reconnaissance officielle aux réseaux internes (réseaux femmes, LGBT+, référents handicap) et les associer aux décisions.
5. Valoriser et former
Partagez régulièrement les progrès. Valorisez les succès liés à la diversité lors des réunions ou dans les communications internes.
Enfin, investissez dans la formation des leaders. Les managers et dirigeant·e·s doivent être outillés pour comprendre leurs biais et adopter des pratiques inclusives. Diversidées propose par exemple :
- Faire vivre et dynamiser sa politique égalité, diversité pour donner aux managers les clés pour animer et renforcer une politique égalité-diversité au quotidien.
- Recruter sans discriminer, pour prévenir les biais à l’embauche et garantir l’équité des processus ;
- Manager équitablement les hommes et les femmes, afin de déconstruire les stéréotypes de genre dans les pratiques de management ;
- Comprendre le handicap pour bien travailler ensemble, une initiation concrète aux différents types de handicaps et aux bonnes postures à adopter ;
- ou encore des formats courts comme les Pauses engagées (45 à 60 minutes), idéales pour diffuser une culture inclusive de façon régulière et légère.
Ces formations, accessibles et adaptées à différents publics (RH, managers, directions), permettent de transformer la sensibilisation en compétences concrètes, directement mobilisables sur le terrain.
En résumé
La diversité et l’inclusion ne peuvent pas reposer uniquement sur la bonne volonté des RH. La direction doit en être le moteur.
Les cas de L’Oréal, Sodexo, BNP Paribas, Microsoft ou encore l’État montrent une constante :
👉 Quand les dirigeant·e·s s’engagent, la culture change.
Pour convaincre vos propres dirigeants, parlez leur langage : celui de la performance, de la stratégie et des résultats mesurables. Ajoutez-y des exemples inspirants.
C’est ainsi que la D&I devient non pas une initiative périphérique, mais un investissement d’avenir pour l’organisation.